Comme un enchantement [Kiyosuke Yamaguchi] [Terminé]

Sayuri boullait de rage, on venait de lui claquer une porte au nez.

" Il y a un problème dans la répartition des chambres. Revenez en fin de journée. Maintenant du balai jeune fille " lui avait dit une femme aigrie.

Cette dernière avait ponctué sa tirade froide, d'une voix stridente et d'un claquement de porte sonore. Sayuri, bouche bée, avait tout de même remarquée que ce comportement semblait familier à cette femme puisqu'une multitude d'échardes étaient éparpillés sur le sol. La porte quant à elle était bancale et ne demandait qu'à sortir de ses gonds.

Sayuri se retint de frapper à nouveau et de dire sa façon de pensée à cette peau de vache. Cela ne servirait surement à rien. Aussi la jeune fille sortit du dortoir précipitamment écumant de rage.

" Je t'apprendrais le respect vieille harpie, sois en certaine " maugréa la jeune fille en redressant la tête.

Elle marcha droit devant elle à grande allure, ses cheveux fouettant son dos. Elle ne voyait rien des alentours, la colère, la frustration l'aveuglait. Sa main droite serrait à s'en faire mal sa valise. Elle tremblait ...

Bientôt, elle se retrouva devant un portail joliment sculpté. A sa gauche, se tenait un écriteau qui indiquait d'une élégante écriture " Le jardin Shimizu - Ouvert tous les jours de 10h à 22h - Terrains pour jeux de ballons à droite - Endroit calme et idyllique pour rdv amoureux à gauche ".

Sayuri retint un éclat de rire.

* Le lycée Shimizu fait dans l'agence matrimoniale, j'aurais tout vu, vraiment ! * se moqua t'elle.

Elle ouvrit sans douceur le portail et tourna à gauche. Elle scrutait les environs d'un oeil critique mais elle dut bien reconnaitre que l'endroit était magnifique.

Elle eut un petit sifflement d'admiration et posa distraitement sa valise sur un banc. Elle sourit malgré elle lorsqu'elle reconnut certaines variétés de fleurs rarissimes.

" Quelle autre surprise me réserves tu, lycée Shimizu ? " dit gaiement Sayuri, penchée sur les fleurs odorantes.

Kiyosuke recherchait un peu de tranquillité. Avec la multitude de rencontres qu'il avait déjà fait en arrivant ici, il se demandait bien où on pouvait un endroit tranquille dans cet établissement.

En sortant du lycée, il remarqua la présence d'un jardin auquel il n'avait pas encore fait attention.

*Tiens...*

A l'écriteau, on pouvait lire : "Le jardin Shimizu - Ouvert tous les jours de 10h à 22h - Terrains pour jeux de ballons à droite - Endroit calme et idyllique pour rdv amoureux à gauche ".

La seule chose qui gênait un tant soit peu le jeune garçon était la petite touche d'humour du "pour rdv amoureux à gauche". En dehors de ça, il en avait vraiment besoin, de cet endroit calme et idyllique.

Il entra sans grande précipitation dans ce jardin. La beauté et la variété des plantes et des fleurs étaient vraiment impressionantes, pour un simple jardin de lycée.

Il remarqua la présence d'une jeune fille en train d'observer les fleurs. Elle n'avait visiblement pas entendu le grincement du portail.

Le lycéen fut attiré par le bassin que l'on voyait un peu plus au fond dans le jardin. Il passa près de la jeune demoiselle, sans vraiment chercher à attirer son attention. Après tout, si elle était là, c'était peut-être elle aussi pour chercher le calme... Ou alors, retrouver son petit ami. Kiyo espérait qu'il ne s'agirait pas de cette deuxième option. Il n'appréciait pas tant les couples lorsqu'il désirait être tranquille.

Il se posa sur le rebord du bassin, et laissa sa main se balader dans l'eau. La pureté de l'eau, les mouvements des vagues, les cercles parfaits que pouvait former une simple goutte d'eau plongé dans cette étendue avaient un côté relaxant.
Kiyo s'allongea sur ce même rebord, en oubliant complètement qu'il n'était pas seul. Il admira le ciel, ses nuages aux multiples formes. Le bleu clair s'accouplait majestueusement avec le blanc des nuages. Un mélange basique et pourtant si envoûtant. Kiyo avait toujours eu ce plaisir à observer un ciel nuageux. Il pouvait le faire des heures durant, allongé dans l'herbe du petit parc de Kyoto, jusqu'à s'endormir. Le gardien était habitué à ce genre de comportement chez Kiyo, et prenait toujours la peine de le réveiller avant la fermeture...

Il se laissa porter au mouvement des nuages, et à la légère brise qui courait dans ses cheveux.

Sayuri se raidit, des bruits de pas s'élevaient non loin d'elle. A son grand soulagement, la personne la dépassa sans un mot. D'ailleurs, cette dernière avait bien fait, le parfum délicieux des fleurs l'avait certes enchantée, mais sa colère n'en était pas totalement apaisée. Autrement dit, elle aurait tailler en miette l'inconscient.

Elle continua de s'émerveiller de toutes ses merveilleuses fleurs. C'était vraiment un endroit idyllique, bien plus joli que le jardin de sa mère. Bien que cette dernière dépensait des milles et des cents pour que son jardin soit l'attraction de toutes les soirées mondaines, elle n'arrivait pas à un résultat aussi concluant. C'est exactement pour cette raison que Sayuri se sentait sur un petit nuage.

" Quelle leçon d'humilité vous auriez ! L'argent ne fait pas tout, et encore moins des merveilles " soupira t'elle en pensant à ses requins de parents.

Elle se demanda si elle pouvait ceuillir la jolie rose rouge qui semblait se pavaner sous la légère brise. Elle était trop tentante, tant pis. Longtemps, les yeux clos elle huma avec délice son parfum, tandis qu'au loin elle entendait le clapotis de l'eau. Intriguée, elle regarda dans la direction du bruit.

Un jeune homme qui semblait hypnotisé par le mouvement des nuages, touchait d'une main l'eau d'un bassin au bord duquel il était assis avec nonchalance. Etrangement, elle ne fut pas génée de sa présence. Après tout ce dernier semblait totalement étranger au comique spectacle qu'elle devait donner avec son sourire béat. Le regard du jeune homme ne se détachait pas du ciel, son visage était illuminé.

Il était émerveillé par les nuages alors qu'elle même était émerveillée par le luxiriant parterre de fleurs. Cela leur faisait un point commun. Chacun dans son monde, n'ayant aucunement l'envie d'en être dérangé.

* Mais peut être souhaiterais tu le faire partager ...? *

Cette pensée la prit de court. Depuis quand elle, Sayuri la garce, souhaitait partager quelque chose. Non, elle aimait déranger, importuner mais en aucun cas partager ! Elle soupira et regarda la rose rouge comme si elle pouvait l'aider.

" Petite fleur, tu m'a envouté, avoue ! " lui chuchota t'elle en souriant.

Elle la fit tourner dans ses doigts distraitement tout en reportant un regard songeur sur le jeune homme. Elle haussa les épaules et accrocha la rose grâce à ses épines dans ses cheveux dénoués.

* La bassin n'est pas sa propriété privée de toute manière. * se dit elle comme pour se donner du courage.

Elle marcha jusqu'au bassin en se moquant d'elle. Se donner du courage ! N'importe quoi ! Sayuri avait certainement quelques défauts. Quelques ? Bon, ok ! Beaucoup de défauts mais certainement pas la couardise.

Elle s'asseya près du garçon prenant garde à laisser une distance raisonnable entre eux. Peut être ferait il comme si elle n'était pas là, alors autant faire comme si elle n'avait pas vraiment l'intention de l'aborder. Elle plongea une main discrète dans le bassin tout en regardant à son tour les nuages.
Bien loin des coloris attrayants des fleurs, les nuages n'en étaient pas moins intéressants. Un souvenir d'enfance refit surface. Elle regardait souvent les nuages, petite, inventant des histoires selon les formes qu'elle pouvait distinguer dans ce bal infini de nuages. Elle souriait à ce souvenir et finalement oublia totalement la présence du jeune homme.

Aussi lorsque sa main plongée dans l'eau rencontra une autre main, elle sursauta. Elle fronçait les sourcils, ses yeux lançant des éclairs. Chasser le naturel, il revient au galop ...

Kiosuke sentit quelque chose cogner contre sa main.¨Il la sortit de l'eau et se releva machinalement. Il se retourna et vit la jeune fille qui observait les roses tout à l'heure l'observer à son tour, mais cette fois ci, avec plus de rage dans les yeux, à tel point qu'elle en était presque méconaissable. Ses sourcils froncés faisaient passer à une image d'une déesse de la guerre farouche et sanguinaire, contre laquelle il ne fallait pas chercher à lutter. La réddition était la meilleure solution à prendre, et Kiyo pensait de même.

"Désolé! Je ne vous avais pas vu!"

Que pouvait-il dire de plus?! Le regard de la demoiselle le paralysait presque de peur... Mieux valait ne pas s'y frotter, pour ne pas s'y piquer, comme dit le proverbe!
Il s'apprêtait maintenant à récupérer les salves de haine de la jeune fille, qui n'avait l'air nullement calmée de cette pseudo-présentation d'excuses que Kiyo venait de lui faire...

Le ciel bleu et nuageux paraissait lointain maintenant...

L'air résigné du jeune homme la frappa de plein fouet. D'habitude, cet air lui apportait une satisfaction perverse, mais pas maintenant, pas dans ce jardin, pas au milieu de ces fleurs odorantes, sous ces nuages enchanteurs.

Sayuri détourna le regard et fixa un moment l'eau du bassin. Un léger soupir s'échappa de sa gorge.

* Décidément ce lycée me met dans mes états sans que je ne l'ai cherché. Quel changement ! Pas besoin de prendre des risques pour éprouver des émotions, elles venaient à elles et parfois sans crier gare, comme maintenant * constata t'elle confuse.

Son reflet dans l'eau lui apparut bientôt. Ses sourcils étaient fronçés, le regard foudroyant, ses lèvres serrées, tout son visage trahissait une humeur maussade qui lui était propre. Sa mère n'avait de cesse de lui répéter qu'elle aurait des rides avant l'âge à force de fermer son visage ainsi, mais son visage s'éclairait bien vite d'un sourire hypocrite lorsqu'elle claironnait que le botox était le meilleur ami des femmes.

Agacée de la tournure de ses pensées, elle passa la main dans l'eau comme pour effacer son reflet. Une manière peut être de les fuir. De plus, le regard du jeune homme commencait à peser sur elle, la forçant à lui faire face à nouveau.

Que lui avait il dit d'ailleurs après s'être levé précipitamment ?

"Désolé! Je ne vous avais pas vu!"

Sayuri haussa les épaules et répliqua tout en le regardant :

" Pas besoin de me regarder comme cela, je ne vais pas vous dévorer ! ... De toute manière, vous ne m'aviez pas vu, mais moi si ! J'aurais surement dû faire attention. "

J'aurais dû surement faire attention, comme excuse on pouvait faire beaucoup mieux. Mais Sayuri ne s'excusait jamais ... Aussi le jeune homme devrait s'en contenter pensa t'elle.

...Heiiiin? Kiyosuke n'était pas sûr de comprendre... Le sens de sa phrase avait l'air de vouloir cacher une facon de s'excuser un peu implicite, mais les mots employés et la manière de le dire avait quelque chose de... Forcé... Comme si elle s'était contrainte de dire ça.

Visiblement, cette demoiselle était à prendre avec des pincettes. Kiyo baissa les yeux, pour ne pas paraître irrespectueux envers la jeune fille. C'est alors qu'il remarqua, posée non loin de cette dernière, une valise. Venait-elle d'arriver avec ses bagages? Mais dans ce cas là, que faisait elle avec ces valises...?

"Heum... Vu votre valise, vous devez être nouvelle, vous ne trouvez pas votre chambre? Je peux vous aider si cela vous dit..."

Comme à son habitude, Kiyo tentait d'effacer le plus souvent possible la colère des gens qu'il pouvait croiser, en leur rendant service. De manière générale, ca fonctionne plutôt bien... Mais parfois, Kiyo mettait l'accent sur des choses qu'il aurait mieux de ne pas mentionner...

Et puis, hormis son expression de colère sur le visage... Elle n'avait pas l'air repoussante... Tout le contraire même. S'il s'en sortait bien, il pourrait peut-être passer un bon moment avec elle... Tant pis pour la solitude!

Le tout était de s'y prendre en douceur...

Sayuri était quelque peu perplexe. Le jeune homme avait eu l'air décontenancé par son excuse à peine esquisser, puis brusquement lui proposer son aide. D'un, il était perspicace et de deux, il était serviable. Sayuri était bien tentée d'ajouter un petit trois, il était complètement fou ! Fou, ou alors trop gentil.

* C'est pas bon ca, vraiment pas bon pour toi, jeune homme * constata Sayuri.

Sayuri avait tendance à écraser tout ceux qui avait l'imprudence de se faire plus petits qu'elle. Une tendance perverse certes, mais il faut bien de tout pour faire un monde, n'est ce pas ? Mais ne venait elle pas de lui dire qu'elle n'avait pas l'intention de le dévorer ? Hélàs si ! Sayuri soupira à nouveau. Elle laissa son regard errer sur le jeune homme. Tout en lui trahissait un esprit vagabond. Le peu qu'elle venait d'apprendre de lui, lui soufflait qu'il n'était pas le genre d'hommes à vouloir tout controler, il avait son monde et seul cela lui importer. Il pouvait tendre la main à quelqu'un qui ne le méritait pas, à quelqu'un comme Sayuri en fait, sans se poser de questions, sans rien en attendre supposa t'elle.

" Non ! " s'exclama t'elle soudainement.

Sayuri fut la première surprise de sa réponse. Elle avait jaillit de sa bouche sans crier gare. Pour un peu, elle en rougirait presque. Forte de cette constation, elle reprit d'un air renfrogné :

" Le dortoir est fermé pour le moment. Et je n'ai pas tellement envie de me remémorer la rencontre avec cette vieille harpie. "

Elle se demanda si elle devait le remercier. Quoi, dire merci ? Cela ne faisait pas partie du vocabulaire, et ca ne changerait pas de sitôt. Elle regarda le jeune homme comme elle avait regardé la rose rouge auparavant, comme si il pouvait lui donnait une réponse. La réponse à toutes ses pensées saugrenues qui semblaient avoir élu domicile dans sa petite tête. Elle soupira encore.

Quel drôle de personnage. Kiyosuke ne put cacher un air étonné, surpris. Ca n'était pas la premiere fois que l'on refusait son aide... Mais c'était bien la premiere fois qu'on lui faisait comprendre d'une façon aussi étrange...
Un "Non" catégorique, qui ne laissait pas de place aux doutes. Pourtant, le regard de la demoiselle n'était pas aussi catégorique que sa voix... Vraiment étrange, cette lycéenne...

Kiyosuke fit semblant de ne rien remarquer. Elle pourrait s'emporter à cause d'un simple regard, Kiyosuke devait se montrer prudent dans ses faits et gestes.

"J'ai moi aussi eu deux ou trois soucis avec ma chambre... Et à vrai dire, je n'ai pas non plus un très bon souvenir de cette vieille dame. Je te comprend!"

Il tenta un sourire, pour apaiser les tensions. Kiyosuke avait bien compris que la mauvaise humeur de la demoiselle avait pris racine dans ses soucis vis à vis de la chambre, et aussi à cause de cette vieille dame qui n'était pas tellement reconnue pour sa politesse et sa courtoisie...

Il fallait calmer le jeu, la faire rire du mieux possible, et faire en sorte de se trouver un point commun avec elle pour qu'elle accepte sa compagnie...
Mais... Comment faire? Son caractère la rendait presque insondable... Comment trouver un point commun et un sujet avec elle sans marcher sur d'ardentes braises...
Et pourquoi ne pas tenter la banalité? Peut-être qu'en ayant une approche ordinaire, il arriverait à avoir une conversation qui la fasse oublier ses soucis.

"Et... Pourquoi as tu choisi de venir à Shimizu? Ou pourquoi tes parents t'y ont amené?"

Voilà... Le sujet était lancé... Pourvu que ca fonctionne...

Le jeune homme était toujours planté devant elle. Cet air géné qui ne semblait pas le lacher la fit grommeler quelque chose d'incompréhensible pour lui, pour elle ca donnait ca :

" Il pense que je vais lui sauter dessus pour me faire les griffes, ou quoi ? "

* Après tout n'est ce pas ce que tu recherches tout le temps, avec toutes les personnes que tu rencontres sans exception * pensa amèrement la jeune fille.

Evidemment que oui ! Alors pourquoi laissait elle le jeune homme lui proposait de l'aide. Pourquoi ne le faisait elle pas déguerpir, comme elle savait si bien le faire. C'est alors que le parfum de la rose qui ornait sa chevelure lui parvint aux narines.

* Oui voilà c'est toi coquine qui m'a envouté. Un enchantement comme celui ci ne pouvait pas se revelait dangereux après tout ... * se dit elle le coeur soudain plus léger.

Se laissait aller à l'enchantement des lieux, plus facile à dire qu'à faire. Sayuri leva les yeux au ciel, se laisser dériver, cela semblait si facile pour les nuages ...

Le jeune homme qui n'avait pas du se rendre compte de la mine songeuse de la jeune fille continua :

"Et... Pourquoi as tu choisi de venir à Shimizu? Ou pourquoi tes parents t'y ont amené?"

Encore une fois, le parfum de la rose vint lui chatouiller les narines, comme pour lui donner du courage. Sayuri soupira et leva son regard vers le jeune homme. Elle espérait que ses yeux ne lancaient plus des éclairs. Elle répondit précipitamment :

" J'ai été viré de mon ancien lycée. Et je n'ai pas envie de parler de mes parents et de tout ce qui pourrait s'en rapprocher "

C'est seulement lorsque sa prpore voix résonna à ses oreilles qu'elle s'apercut qu'elle avait à nouveau parlé d'une voix dure, aussi ajouta t'elle plus doucement :

" Je suis compliquée, n'est ce pas ? Et toi qu'est ce qui t'a amené dans ce lycée ? "

Elle lui désigna le bassin d'une main distraite.

" Tu peux t'asseoir, tu sais. Je suis peut être hostile mais pas sanguinaire " lui précisa t'elle d'un ton mi ennuyée mi amusée.

Elle se savait "hostile"... Elle le faisait peut-être donc exprès, ou alors, c'était son personnage, sa personnalité, sa façon d'être. Peut-être ne le faisait elle pas exprès. Kiyosuke était tout à fait près à s'adapter à ce caractère dur et farouche...

Et puis... Il ne lui en voulait pas d'être aussi dure, surtout lorsqu'elle s'est mise à parler de ses parents. Elle était comme lui, même si ses réactions étaient totalement différentes. Elle n'aimait pas parler de sa famille. Il ne lui poserait plus jamais de question à ce sujet, en espérant qu'elle fera de même de son côté.

"Viré de ton ancien lycée? C'est vrai que tu n'as pas forcément un caractère facile, mais est ce la seule raison?"

Le jeune homme s'assit au bord du bassin, comme le lui indiquait son interlocutrice. Il en profita pour méditer à la réponse qu'il allait donner à sa question...

"Ce qui m'amène ici...? ... Disons que je voulais vivre... Autre chose..."

Kiyosuke espéra réussir à détourner la question avec cette simple réponse. Il trouva un moyen simple de changer de sujet rapidement!

"Mais au fait, je ne me suis pas présenté! Je me nomme Kiyosuke Yamaguchi, et je suis en 2B au lycée Shimizu... Et toi? Me ferais tu l'honneur de te présenter?"

Kiyosuke la dévora presque du regard, attendant sa réponse avec impatience, il s'intéressait de plus en plus à cette étrange demoiselle...

Sayuri n'était pas mécontente de s'être montrée ouverte, enfin du moins l'avait elle essayé. Mais le jeune s'était assis et avait entretenu la conversation, donc cela prouvait bien qu'elle avait réussi, non ? M'enfin, est ce que le plus intéressant se trouvait dans cette réponse ? Certainement pas. Mais où dans ce cas ? Surement dans le regard rêveur du jeune homme ...

Quoique à y repenser, Sayuri s'était laissé un peu trop dériver. Venait elle vraiment de dire à cet élève qu'elle s'était fait renvoyée de son ancien lycée. De toute évidence, oui ! Sayuri se retint de se taper le front d'une main énergique.

* Bon sang quelle idiote * se lamenta t'elle.

Sayuri décida d'en parler d'un ton badin, espérant qu'il ne montrerait pas trop curieux. Aussi elle haussa les épaules d'un air faussement dégagé et répondit :

" Un caractère pas facile, pour ne pas dire excécrable, peut amener la personne à faire des choses diverses et variées et parfois même ces choses sont interdites et punies. "

L'inquietude qu'éprouvait Sayuri en abordant ce sujet, fit place à une réelle curiosité quant à la suite de leur discussion.

Qu'entendait il par vouloir vivre autre chose. Quoique c'était également pour cela qu'elle se trouvait ici, pour vivre ... autre chose. Mais en examinant le jeune homme du coin de l'oeil, Sayuri ne put s'empecher de penser, c'était peut être dans le même but mais certaiment pas pour les mêmes raisons. Des raisons d'ailleurs qu'elle ne souhaitait pas dévoilées et par la même qu'elle ne voulait pas qu'ils lui dévoilent. Simplement par un sentiment de compréhension... De compréhension ? Ce serait bien la première fois que Sayuri comprenait quelqu'un parce qu'ils avaient la même vision en quelque sorte...

Sayuri fronca les sourcils, encore des questions qui trottaient dans sa petite tête ... Elle fut donc reconnaissante lorsque le jeune homme parut lui aussi vouloir changer de sujet. Un sujet bien banal d'ailleurs. Une présentation brève accompagné d'un regard indéchiffrable pour la jeune fille. Un regard qui l'intrigua.

C'est donc l'esprit quelque peu confus, qu'elle se prêta au jeu des présentations.

" Je m'appelle Magome Sayuri, et il semblerait que je sois dans la même classe que toi. "

Elle sourit faiblement et sans réfléchir elle lui demanda :

" Ca t'arrive souvent de proposer de l'aide aux furies comme moi, Kiyosuke ? "

"Aux furies? Comme tu es sévère avec toi même! Pour le peu que j'en ai vu, tu es excentrique et autoritaire, sans doute aussi insupportable quand tu es en colère, comme toutes les femmes^^!"

Kiyosuke éclata de rire. Il aimait beaucoup taquiner les jeunes filles, et maintenant que l'ambiance était un peu plus détendue, il pouvait bien se permettre une touche d'humour... Enfin... Peut-être...

"Blague à part, je suis enchanté de faire ta connaissance, Magome. Et tant que j'ai le temps, j'aime aider les gens, gratuitement ou non, peu m'importe. Je me sens utile, et puis, c'est un moyen de me faire pardonner quand j'ai eu des paroles ou des actes déplacés, volontairement ou non. Cela fait partie de ma nature, tout comme il est dans ta nature d'avoir une carapace et de te montrer assez froide avec les gens. C'est dommage, car je suis sûr que tu as bon fond."

Kiyosuke espérait réussir à percer cette carapace. Il aimait ça. Elle l'avait peut-être privé de sa solitude, mais il ne le regrettait pas pour autant. Etre seul, il pouvait l'être quand il voulait, mais rencontrer des personnes aussi intéressantes, c'est plutot rare!

"Tes yeux ne sont pas ceux d'un monstre, Magome... Tu es quelqu'un de bien, à n'en pas douter! Ca se voit!"

Kiyosuke n'avait jamais été très doué pour les compliments... Sa maladresse s'appliquait dans tous les domaines...

Sayuri écoutait Kiyosuke sans mot dire. Que pouvait elle bien lui répondre de toute manière ? Elle n'aimait pas se justifier, elle n'aimait pas parler d'elle en fait ! Pourtant le jeune homme, lui, se justifiait et en plus de parler de lui, il lui parlait d'elle. De la vision qu'il en avait du moins. Une vision plus ou moins proche de la vérité. Sayuri ne savait pas vraiment.

Elle était certes excentrique et autoritaire mais elle était également arrogante et impertinente. Elle n'était pas insupportable en colère, elle l'était au naturel. Elle ne se montrait pas assez froide avec les gens, elle était froide aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ses yeux n'étaient pas montrueux, certes, mais ils faisaient fuir la plupart des gens. Sayuri était sure et certaine de tout cela. Mais avait elle réellement un bon fond. Une garce avec un bon fond, cela était il possible ? Sayuri n'avait pas la réponse à cette question. Bien qu'elle devait bien avouer qu'il lui arrivait de se montrer taquine et de sourire à quelqu'un. Et même, de se montrer réellement intéressée par quelqu'un au point de souhaiter le mettre à l'aise, comme elle s'efforcait en ce moment avec Kiyosuke. Sayuri ne comptait pas faire part à l'élève de ses pensées. Hors de question de se mettre à nu surtout face à un inconnu !

Sayuri mit un terme aux divaguations de son esprit. Elle reporta son regard vers Kiyosuke, la tête légèrement penchée sur le coté, elle lui sourit.

" Je ne pense pas que je sois quelqu'un de bien, Kiyosuke. Tu le comprendras bien vite d'ailleurs. "

Comme il ne semblait pas la comprendre, Sayuri continua d'un ton amer.

" Tu dis me voir comme une jeune fille autoritaire, quelque peu excentrique avec sa rose rouge dans les cheveux. Cette jeune fille ne sera rien d'autre que Sayuri la garce, demain. "

" Oh, je ne me plains pas. Nous sommes ce que nous nous sommes après tout, il faut assumer ! Hum ... Par exemple, je suis sure que toi même, parfois, tu maudis ta trop grande gentillesse. " expliqua t'elle.

" Mais, au final, tu as beau la maudire, essayer de l'étouffer, la camoufler, elle fait toujours partie de toi. "

Elle avait prononcé ses dernières paroles à voix basse, comme un murmure. Les yeux levés vers le ciel.

" On ne peut lutter contre ce que nous sommes, contre ce qui nous anime, n'est ce pas ? " ajouta t'elle en reportant son regard vers lui.

Sa gentillesse? Elle a souvent été contrastée, cette gentillesse. Mais ça, Sayuri n'avait pas besoin de le savoir.

"Heum... Je ne suis pas tellement d'accord avec ce que tu dis. Ce que nous sommes, nous le devenons. Preuve en est, en grandissant, nous changeons tous, et pourquoi? A cause de nos actes et de nos épreuves, celles que nous avons vécu au courant de notre vie. Je pense plutôt que si tu es comme ça, c'est que tu en as le besoin, car tu n'as pas trouvé meilleur moyen pour te défendre des autres. En fait, si tu es si dure avec toi même et avec ton entourage, c'est que tu es en fait plus faible que n'importe qui. Tu t'es toi-même contrainte à cette façon d'être. C'est ton armure, ton bouclier."

Kiyosuke acheva ses mots sans regarder Sayuri, son regard s'était à nouveau porté sur les nuages. Il aimait beaucoup cette façon de voir les choses, de se dire que nous sommes ce que nous voulons être, avec la contrainte des épreuves que nous visons. Nous avons le choix, sans qu'il soit réellement illimité pour autant, il est exponentiel, mais pas infini.

Il fixa à nouveau Sayuri, un sourire aux lèvres, et les yeux comme embrumé par le rêve.

"Sayuri la garce hein? Je n'en crois pas un mot! Et je reste sur ma position: C'est un honneur et un privilège pour moi de te connaître. Et puis, tu n'es pas la première... Comment dire... Grincheuse, que je connaisse^^"

Kiyosuke espérait avoir convaincu sa camarade qu'elle n'était pas aussi monstrueuse qu'elle le pensait. Les gens pensant ainsi sont souvent des personnes blessées ou meurtries, et Kiyo ne le savait que trop bien. Il se devait d'aider Sayuri à croire un peu plus en elle.

Il lui avait dit qu'il n'était pas tellement d'accord, quel euphémisme ! A dire vrai, il ne l'était pas du tout. Sayuri sourit malgré elle. Le jeune homme bien que convaincu par la véracité de son discours, il ne le lui imposait pas pour autant. Aussi agile qu'un félin, il évitait les obstacles. Sans débordement, il donnait son point de vue. Ils étaient tellement différents pensa t'elle soudain. Sayuri, elle, tel un rhinocéros, foncait tête baissée pour faire voler en éclat les obstacles. Elle attisait la colère des autres, elle n'était que débordement. Bien entendu, elle se doutait que son jugement sur Kiyosuke était hatif et que certainement elle n'avait qu'un infime aperçu de sa personnalité. Il en était de même pour lui. D'ailleurs, si il l'avait connu un peu mieux, il ne se serait certainement pas risqué à porter ouvertement un jugement sur elle. Alors pourquoi, le laissait elle faire ? Pourquoi, ne le rabrouait elle pas ?

* C'est étrange ! Aurais je perdu ma hargne, ma fougue ? Aurais je baissé les bras ? Me serais je avouée vaincue ? * s'affolla t'elle en regardant le bout de ses chaussures.

Son coeur se serra douloureusement. Le signe qu'elle vivait encore. Ne s'était elle pas jurée que rien ni personne ne l'empêcherait de vivre ? Sayuri soupira rassurée. Non, elle était toujours là, bien décidée à s'imposer !

Une fois rassurée sur son propre compte, Sayuri s'exprima d'une voix douce :

" Tu sais, Kiyosuke, aussi loin que je me souvienne j'ai toujours été celle que je suis à présent. Et aussi loin que mon esprit puisse se projeter dans l'avenir, je suis certaine que je serai encore et toujours celle que je suis. Il y a bien longtemps que rien ni personne n'influe sur mon tempérament et je doute fort que cela puisse se produire désormais. "

" Détrompes toi, mon tempérament dur et farouche n'est pas un bouclier. Il n'y a rien au fond de moi que je doive cacher, rien que je doive offrir. Je ne suis pas quelqu'un que la vie a meurtrie. Je ne suis pas quelqu'un que l'on doit consoler. Je suis heureuse et fière de la jeune femme que je suis. " expliqua t'elle, le regard plongé dans celui du jeune homme. Un regard chargé d'éclairs, en quelque sorte comme une preuve de ce qu'elle avancait.

" D'ailleurs, pendant qu'on en est au confidence, je ne suis pas grincheuse ! Je suis pire que ca. Hélàs, j'ai bien peur que tu ne le saches jamais ... " ajouta t'elle un sourire rayonnant sur les lèvres.

La belle lycéenne eut l'air d'hésiter un instant avant de répondre avec son ton ferme que commençait à connaitre Kiyo. Il n'en était pas tant surpris. Une telle déclaration de la part d'un étranger ne devait pas faire plaisir à la demoiselle.

"Je ne faisais que présenter un point de vue, je ne voulais pas te contrarier, désolé. Tu as sans doute raison de toute façon... Je ne suis qu'un étranger qui ne s'appuie que sur quelques minutes à discuter avec toi pour dire ce que je viens de dire... Ca n'a que peu de valeur... Mais... Pourquoi ne saurais-je pas ce que tu es réellement, si tu es pire que grincheuse...?"

Le sourire de Sayuri intriguant un peu Kiyo. Pourquoi souriait-elle après une telle déclaration...? Enfin, le tout était qu'elle soit heureuse. Kiyo n'aurait pas supporter importuner davantage son interlocutrice.

"Mais si ce que tu dis est vrai, c'est vraiment dommage... Tu as très beau sourire, et c'est le gâcher de ne jamais le montrer. Tu devrais sourire un peu plus, tu serais peut-être moins exécrable aux yeux des gens que tu ne veux bien le laisser entendre..."

Kiyosuke lui rendit son sourire avec un brin de malice. Il taquinait un peu la belle demoiselle, et ça l'amusait bien!

Sayuri était complètement déroutée par les réactions et les discours de Kiyosuke. Ce dernier, bien que persuadé qu'elle était meilleure qu'elle ne l'était, ne cessait de s'excuser. Il la prenait avec des pincettes c'était certain. Et dans un même temps, il ne la considérait pas comme une garce, étrange ! Ou alors peut être la prenait il pour une jeune femme dérangée. Une jeune femme qui pourrait avoir des excès de violence ou autres ... Quoique, à y réfléchir, peut être pas. Sinon, il n'aurait pas cet air géné, il aurait à nouveau le regard quelque peu apeuré comme au tout début de leur rencontre. Arf ! Décidément, qu'il était compliqué de le comprendre.

Pourtant, en règle général, Sayuri savait parfaitement ce que pensait ses interlocuteurs. De la colère, de la peur, de la haine même parfois. Mais Kiyosuke, lui, semblait géné et diablement curieux la concernant. Il continuait encore à porter un jugement sur elle, enfin sur son sourire. D'ailleurs, ce jugement sonnait plutôt comme un compliment. C'était elle, ou ce Kiyosuke s'évertuait à la voir comme une jeune femme malheureuse qui a besoin qu'on lui donne confiance en elle ? Pourtant ne venait elle pas de lui affirmer qu'elle était bien dans peau, merveilleusement bien, enfin, mis à part ces quelques soucis familiaux. D'ailleurs qui n'étaient pas des soucis mais plutôt un goufre, le néant, un rejet total. Bon, il fallait bien avouer qu'elle avait également un problème relationnel avec les autres, mais elle s'en accomodait parfaitement. Elle en avait même fait, en quelque sorte, son passe temps favori. Alors, pourquoi ce Kiyosuke agissait il ainsi ? Quoique c'était peu être elle qui le voyait ainsi. Elle fabulait sans doute. Fabuler, pas dans ses habitudes, ca !

Sayuri avait froncé les sourcils, son sourire avait disparut pour laisser place à une moue songeuse. Que répondre à cela :

"Pourquoi ne saurais-je pas ce que tu es réellement, si tu es pire que grincheuse...?"

Pouvait elle réellement répondre parce que, habituellement, je suis perfide, arrogante, cruelle. Je met tout le monde plus bas que terre et que j'en retire une grande satisfaction. Il allait vraiment finir par la prendre par une psychopate. M'enfin après tout, c'est ce qu'elle était. Et on ne peut cacher ce que l'on est, enfin jamais bien longtemps. Quoique, c'est pas tellement qu'elle souhaitait cacher sa véritable nature à Kiyosuke, c'est que cette nature ne se révélait pas à lui. Etrange ? Peut être pas. Peut être qu'elle était tout simplement fatiguée de pester, de hurler, de rabaisser, de se battre ? Sayuri n'arrivait pas à se décider. En fait, elle avait simplement envie de se laisser berçer par le parfum de la rose et de sourire betement aux tentatives, peut être vaines, du jeune homme pour la rendre confiante voire pour la complimenter...

" Là n'est pas la question, Kiyosuke. C'est plutôt pourquoi te donnerais je cette ... chance ... de ne pas voir ma véritable nature ? Enfin, même si tu me la posais, je ne pourrais peut être pas te répondre ... " dit elle enfin.

" Je devrais sourire un peu plus, dis tu ? Hé bien, tu n'as qu'à m'en donner l'occasion ... Si tu en es capable, ma foi " continua t'elle dans un demi sourire taquin.



[Je suis désolée, j'écris, j'écris, et PAF ca fait un gros pavé ... plutot bancal]

[T'en fais pas, j'écris pas forcément aussi bien que toi, donc te rabaisses pas, sinon je vais me sentir petit^^]

Le visage de Kiyosuke changea du tout au tout. Son petit regard malicieux se transforma en doute, en hésitation... La faire sourire? Mais... Comment? Il aurait toutes les peines du monde à faire sourire une inconnue! Certes, ils se connaissaient déjà mieux désormais, mais... Etait ce suffisant? En voulant la faire sourire, Kiyo ne risquait-il pas l'effet inverse? Tout se brouillait dans son esprit, et cela se ressentait dans ses paroles...

"Euh... C'est que... Je... Enfin... Te faire sourire?... Tu sais... Il... Enfin... Pour pouvoir... Pour pouvoir vraiment y parvenir, je devrais te connaître un peu mieux... C'est que... J'en serai ravi mais... Te faire sourire de but en blanc... Comme ça tout de suite..."

Kiyosuke avait beau chercher, rien ne lui venait à l'esprit. Des blagues idiotes sortaient de temps en temps, mais elles étaient tellement ridicules qu'ils risquaient davantage de se faire passer pour un imbécile que de la faire rire...
Comment faire?

Et puis, pourquoi devrait-il demander pourquoi il avait le droit de ne pas avoir sa nature originelle? Avait-il un traitement de faveur particulier? Pourquoi? Qu'est ce qui le rendait si privilégié?

"Et puis... Cette question m'intrigue... Pourquoi aurais je le droit de ne pas assumer ton fameux caractère? Ca serait trop facile à tes yeux, ou au contraire trop difficile? Je ne comprend vraiment pas pourquoi..."

Kiyosuke se savait naïf et assez candide parfois, mais il ne s'était jamais senti aussi perdu que maintenant... Cette Sayuri avait de bien étrange moyen de tourmenter le petit Kiyosuke...

Kiyosuke était décidément bien difficile à cerner. Il pouvait s'effacer pour être conciliant, puis se montrer taquin et têtu. Il avait le cran de porter un jugement sur elle et la seconde d'après se mettre à bafouiller. Elle, qui depuis toujours suivait une même ligne de conduite vis à vis de ses échanges avec les autres, ne pouvait qu'être perplexe. A y réféchir, elle était encore plus perplexe de son propre comportement. Il était devenu compliqué, très changeant, à tel point que depuis le début Kiyosuke ne savait sur quel pied danser. Intentionnellement ou non, Sayuri le troublait, le tourmentait même. Tantôt elle se montrait hostile, tantôt taquine, mais le plus souvent intriguante. Et cela devait être pesant pour Kiyosuke. Et cela la pesait aussi d'ailleurs. Pesait sur son esprit en fait. Elle était exécrable et pour cela elle se montrait arrogante, rien de plus, rien de moins ... Enfin, en règle général, apparemment ...

C'est alors que Sayuri se rendit compte d'un détail. Un détail qui d'ailleurs aurait du la frapper bien avant. Kiyosuke, tout à l'heure, avait ri. Pas d'un rire moqueur, ni d'un rire faux ou lié au stress. Un vrai rire. Oh ... Sayuri ne sut si elle devait s'en inquieter ou s'en réjouir. Ce rire était la preuve flagrante que Sayuri la garce n'avait pas frappé... Surprenant ! Pourtant, rien en Kiyosuke ne pouvait l'expliquer. Cela venait donc d'elle...

Encore et toujours, des petites questions trottinaient dans sa petite tête. Quelle plaie ! Elle devait détourner l'attention de son esprit, que toute activité et divaguations cessent. Aussi Sayuri se décida à répondre, d'une voix quelque peu hésitante :

" La réponse la plus simple pour moi, ce serait de te dire que tu n'en auras pas l'occasion. Que dès que nos chemins se sépareront, ils ne se croiseront plus. Que je n'ai aucune envie de lier connaissance avec toi. Que tout ceci n'est qu'une rencontre éphémère. Oui, sans doute ..."

" Par contre je suis certaine qu'il est assurément bien plus facile d'être soumis à Sayuri la garce. Tu ne serais pas aussi perdu que tu ne le parais maintenant. " ajouta t'elle d'un ton légèrement enjoué.

Encore et toujours des devinettes. Sayuri ne savait elle même que penser de son propre discours. C'est pourquoi, elle décida de changer de sujet.

" Que voyais tu tout à l'heure en regardant le ciel ? A quoi pensais tu à ce moment là, Kiyosuke ?

Quelle étrange personnage! Pleine de sous entendus, d'implicite... Se soumettre à Sayuri? Qu'entends par se soumettre...? Et puis, cet étrange " sans doute" qui perturbe toute l'impartialité de sa phrase...

Si on n'écoute que ses mots, Kiyo ne doit pas s'attendre à revoir cette Sayuri, ce qu'il regretterait, assurément... Mais ce "sans doute" en brouille le sens... Que veut-elle, finalement...?

Elle était en revanche d'une grande perspicacité... Ou alors, Kiyo était bien trop transparent... En tous les cas, elle avait remarqué la perplexité du lycéen... Que faire? De toute facon, elle a changé de sujet, il suffit de suivre le courant, et de faire table rase de ce qu'elle vient de dire... C'est le plus simple en effet... Mais Kiyo doit faire en sorte de lui paraître suffisamment intéressant pour mériter la revoir. Une sorte de lueur de défi brilla dans ses yeux...

Il remarqua alors que lui, en revanche, était très intéressé par cette lycéenne... Son air de dominatrice, son inflexibilité... Elle avait quelque chose qui troublait Kiyo... Le lycéen était persuadé qu'elle cachait quelque chose... Après tout, elle prétend être comme elle est depuis toujours, mais nous avons tous une raison d'être ce que nous sommes, que pouvait elle bien cacher, sous ses airs d'intouchable...?

"Qu'est ce que je vois dans le ciel? Heum... Mes yeux voient des nuages d'un blanc d'une pureté que l'Homme ne pourra jamais atteindre, et une éternité bleue que nous ne pourrons jamais ternir. Le ciel est invincible, et il cache mes rêves. Mais mes yeux ne sont pas seuls... Lorsque je porte mon attention sur ce ciel, j'y vois mes souvenirs, ma vie à Kyoto, mes anciens amis... Je suis tranquille, quand je regarde ce ciel, et rien ne peut me perturber... Si ce n'est la main d'une demoiselle dans l'eau^^... Et toi... Que faisais tu, au bord de ce bassin, toi aussi?"

Kiyosuke retint un rire qui ne fut qu'un sourire. Kiyosuke n'avait pas autant ri depuis son arrivée ici, et ça, il le devait à Sayuri... Etait ce pour ca aussi qu'il lui trouvait autant de charme?
Kiyo regardait Sayuri sans vraiment faire attention à elle... Il se perdait dans ses pensées, et perdait la sensation du réel... Il porta son regard sur elle avec plus d'attention, avec cette attention qu'il ne confère ordinairement qu'au ciel.

Elle était ravissante, son visage, son regard, ses cheveux superbes... Elle était belle... Plus que belle, même. Kiyosuke pourrait se perdre dans ses yeux perçants, comme si elle avait le pouvoir de lire en Kiyo comme dans un livre...

Kiyo perdrait-il la tête...?

Kiyosuke se ravisa. Son regard avait été trop soutenu... On oublie bien vite le temps qui passe lorsqu'on est ébahi devant quelque chose. Kiyosuke se surprit lui-même... Quand était-ce, la derniere fois où il fut aussi intéressé par une demoiselle?

Kiyosuke n'en a qu'un vague souvenir, et il n'arrive même pas à comparer ça avec ce qu'il voit en Sayuri... C'est tout autre chose. Il ressent en elle quelque chose... De spécial, d'unique. Son côté têtue et garce comme elle aime à le dire, montre aussi une force intérieure, une résistance, devant laquelle Kiyo ne peut qu'être admiratif.

"Désolé... Je ne voulais pas t'agacer... C'est que... Tu as un regard très prenant quand tu souris..."

Le lycéen se leva. Le ciel s'assombrissait, les nuages blancs grisonnaient sous cette immensité obsurcie... Il n'allait pas tarder à pleuvoir... Il n'y eut pas que le ciel qui devint sombre. Le regard de Kiyosuke avait perdu sa lueur. Il était déçu. Ce ciel beau dont il n'avait pas pu pleinement profité disparaissait à vue d'oeil, mais en plus, le temps ne lui permettrait de rester dans ce jardin beaucoup plus longtemps en si charmante compagnie... Ce qui attristait profondément le jeune lycéen...

"Le temps devient maussade... Mais j'y pense! Tu n'as pas de chambre, n'est ce pas? Dans ce cas, pourquoi ne passerais tu pas la nuit à l'hotel ryokan de la ville? Ne t'en fais pas pour l'argent, je pourrais me serrer un peu la ceinture pour cette semaine^^!"

L'idée d'aider Sayuri illumina le visage assombri de Kiyosuke! Et puis, le fait de l'accompagner jusqu'à ce ryokan n'était qu'une bonne occasion de rester à ses côtés encore quelques instants!

"Moi-même je n'ai pas de chambre, et j'ai du utiliser ce stratagème pour pouvoir me loger. Ma mère a bien été obligé de me payer une petite chambre en plus, mais elle me laisse aussi de l'argent pour me nourrir et m'habiller. Je sacrifierai un peu de cet argent pour ne pas te laisser à la rue sans problème^^."

Sayuri ne pouvait refuser une telle aide de la part de Kiyo. Elle n'allait tout de même pas dormir dehors, non?

Sayuri constata que Kiyosuke se justifiait toujours. Au lieu de s'excuser et de changer de sujet rapidement, il se justifiait. De quoi attiser la colère de Sayuri en somme. Il persistait à lui parler de son sourire, ce qui ne plaisait pas vraiment à la jeune fille... Comme face à tout chose nouvelle, il fallait un temps d'adaptation. Elle n'était pas habituée à être la cible d'une quelconque gentillesse, de compliments et encore moins de regards de ce genre. Elle n'était pas habituée et d'ailleurs elle ne voulait pas le devenir. Sayuri s'adaptait à toutes les situations, à toutes les formes de caractères, de protestations, elle excellait dans l'art de l'ironie et du sarcasme. Elle avait un grand sens de la répartie. Elle se montrait maline voire perfide. Elle jouait toutes ses cartes avec brio et surtout sans jamais se laisser atteindre par quoique soit. Elle n'y mettait jamais son âme et sons coeur. Seulement l'intelligence et la perfidie de son esprit. Et cela lui convenait parfaitement. Comme elle l'avait fait remarqué, rien ni personne n'influer sur son tempérament. Rien ni personne n'influait sur son humeur, elle évoluait parmi les autres, égale à elle même. Son attitude semblait changer au fil des échanges mais c'était prémédité. Elle manipulait pour mieux faire le mal. Mais le plus important dans tout cela, c'est que rien ni personne n'influait sur son âme et son coeur. Peut être aurait elle dû le dire à Kiyosuke... Quoique, l'aurait elle fait qu'il aurait surement continuer à penser le contraire s'il en était convaincu... De vrais têtes de mules, tout les deux... L'un persistait dans ses idées et le faisait savoir, l'autre persistait dans sa ligne de conduuite et le faisait savoir.

Le lycéen s'était levé et Sayuri n'avait rien répondu à ses excuses. Quoique Sayuri hésitait à les prendre comme telles, mais elle n'en dit mot. Tiens, le temps devenait maussade avait il dit, annoncant de ce fait la fin de leur rencontre. Etrange rencontre à dire vrai. Elle n'avait été étrange que par sa faute constata t'elle. Sa faute ? Il fallait bien avouer qu'aussi étrange avait été cette rencontre, elle n'en restait pas moins intéressante. Elle n'avait pas de regrets à avoir sur sa conduite. Pendant quelques instants, elle s'était montrée abordable. Pas de quoi s'affoller...

Elle avait écouté distraitement les propos de Kiyosuke, elle lui répondit tout aussi distraitement :

" Je n'ai pas besoin d'un chevalier servant, Kiyosuke. Je suis une grande fille. "

Elle reprit d'un ton un peu moins sec :

" Mais, ton idée n'en reste pas moins pertinente... Je n'ai aucune envie de revoir cette vieille harpie. J'espère qu'il y aura des chambres de libres à l'hotel Ryokan. Où se trouve t'il ? Je vais y aller avant que ne tombe le déluge. "

Sur ses mots, ellle alla chercher sa valise un peu plus loin.