«
Peut-être qu'on est foutrement prédestiné à notre naissance, vous ne croyez pas ? Bordel... Je me demande parfois pourquoi je suis né. Non, en fait, pourquoi tout le monde naît. La race humaine est un joyeux amas de conneries. Quoi, je suis vulgaire ? Ouais, eh bien, je n'ai pas d'excuses pour ça, faudra s'y faire. Vous voulez que je vous raconte une histoire totalement stupide ? Non ? Eh bien. Vous allez en bouffer quand même.
Il était une fois...Ah, ah, vous voulez le savoir, hein, maintenant que vous êtes là ? Il était une fois, donc... A une méga soirée over branchée, dans le genre tout le monde est trop cool, y a de l'alcool partout et tout, comment on appelle ça... Ça peut s'apparenter à un « Banquet Démoniaque », en gros.
HELL YEAH ! Un « Banquet du Diable », ça me plaît comme histoire, pas vous ? Bref reprenons cette histoire tordue. C'était une énorme beuverie, grave classe, et une fille qui n'avait rien à voir, qui s'appelait
Eve, s'est tapée le Maître des lieux. Un genre de «
Démon » en herbe, une bête de sexe sans foi ni loi. Oh oui qu'elle a aimé ça, parce que la
Eve, elle a même joué avec ce «
Démon ». Et à jouer avec le feu, la gonzesse, bah elle s'est retrouvée en cloque.
Vous vous demandez pourquoi je perds mon temps et use du vôtre pour vous raconter ça ? C'est bien simple, on y arrive, les mecs. Cette idiote d'
Eve, elle a gardé le truc qui grandissait dans son ventre. Et ce truc, c'est moi,
Nevaeh. Enchanté. Franchement... Pourquoi cette idiote m'a donné un nom de meuf ? Bah ouais,
Nevaeh, ça ne veut pas seulement dire
Heaven à l'envers, nonnn, c'est un nom de
nana. Enfin, quand j'étais môme, ça me complexait vachement, parce que les autres se moquaient de moi, mais maintenant ça va mieux, parce que j'en tire profit. De toute façon, quand on est môme, c'est un peu comme un exemple d'expérience adulte, je pense bien. Ouaip', y a encore des adultes qui se foutent de moi parce que j'ai un nom de fille. Mais moi, et vas-y que j't'embrouille, j'les embobine comme il faut et ils oublient tout,
les hommes comme les femmes. J'adore me jouer des autres, c'est mon passe-temps favori. Bref, tout ça pour dire que celle qui a eu le courage de me porter pendant neuf mois dans son ventre,
Eve Skyless, est une femme sans bien grande importance. Ouais, un jour, comme ça, la petite
anglaise qu'elle était voulut tuer son ennui, tant et si bien qu'elle se barra au
Japon, si, si, comme ça, et que la vilaine s'est retrouvée dans une de ses soirées
bondages assez prisées, tard le soir. Et jeune comme elle était, avec la vie devant elle, elle voulait encore me garder... Si j'avais été à sa place, eh bien le bébé n'aurait pas fait long feu. Comme elle ne connaissait pas le nom du mec
(ou qu'alors il ne voulait pas me reconnaître mais c'est du pareil au même), j'ai hérité de noms pas japonais du tout. Seulement, on sait que c'est pas un gentleman anglais qui lui a fait ça, parce que sa se voit à mon visage, merci, mec. Voilà pour la petite histoire ; je suis un sale métisse né en
Angleterre, aussi. Parce que ma mère a cru bon de revenir sur sa terre natale, du genre
« Salut Maman, j'me suis faite un japonais et me revoilà avec le résultat ! ». Peuh.
Mais j'vais pas épiloguer non plus sur ma jeunesse,
guys, parce que vous n'en avez rien à caler et moi non plus en fait. Ah ? Ça vous intéresse ? Non ? Ouais, mais maintenant, rien que pour vous faire chier, j'vais raconter ! Ça me fait tellement plaisir de voir vos sales tronches dépitées parce que je vous tiens d'une main de fer ! Ouais bon. Ma vieille m'a fait sortir, en gros. Et j'ai eu une enfance banale. Ah ! Vous y croyez ? Nan, banal, pour vous, c'est pas pareil que pour moi. Le
dictionnaire Nevaeh n'a rien à voir,
fuckers ! Banal, pour moi, c'est ma mère qui me fait l'éducation sexuelle à six ans, vous voyez ? Au collège j'embrochais déjà des gamines dans les chiottes ! C'était vraiment trop facile ! Comme la clope, j'y suis
addicted ! Depuis que j'ai commencé à ressentir
(tôt) le besoin de sauter des gens. Et je volais la vedette à beaucoup de gens, c'était tellement simple. Beaucoup ont lâché leur moitié pour me supplier de leur accorder un regard. Moi, c'était pas un regard que je leur accordais. C'était une nuit dans mon pieux et
bye bye bloody shit ! En fait, les convictions de ma vieille s'étaient déjà transmises à la naissance, mais elle les avait ravivées avec le temps. Elle partait beaucoup en voyage. J'me souviens même plus de la durée de ses trips, ni même des personnes qui s'occupaient de moi. Elle partait sans doute longtemps parfois. J'étais tellement aveuglé par moi-même que je ne comptais pas les jours. Et pour cause ! J'évoluais tout seul, dans le peu de domaines qui m'inspiraient
(bien que je sois bon partout, les mecs !). Je n'avais qu'un seul et même but. Inconsciemment, j'devenais comme ma mère. Un genre d'esclave du
plaisir sexuel, de la
dépravation. Peut-être que je devenais comme mon père inconnu, ah ! Un
fucker qui saute sur tout ce qui bouge et qui refile des trucs pas nets à ces dames. Ouais. Sans doute. Rien à foutre. Je ne suis pas quelqu'un de gentil. Mais je ne suis pas foncièrement mauvais non plus. Ah ! Vos têtes me font perdre mon
self-control ! J'peux même pas mentir sans me marrer d'vant vous, la haine.
Quoiqu'il en soit, je voue un culte particulier aux
Oiran. Non, non, pas les
Geisha, pas celles qui nouent bien leur obi dans leur dos, non, les
Oiran, filles de joie qui nouent leur obi à l'envers, et qui passent le plus clair de leur temps allongées sur un tatamis
(ou non). Rien que pour cela, le
Japon me fascinait depuis tout petit. C'est pourquoi j'ai bien révisé mes leçons et mes cours particuliers, et qu'à ma majorité, soit
18 ans à Londres, j'ai mis les voiles, laissant ma mère encore jeune derrière moi. A vrai dire je me fiche de ce qu'elle a pu faire après mon départ. Moi j'étais content de me retrouver à l'aéroport de
Narita. Ah, les hôtesses de l'air en ont vu de toutes les couleurs, dans les toilettes de l'avion, croyez-moi ! C'est sûr qu'un type anglais avec les yeux bridés ça intrigue
(ou ça répugne, aussi).
Reste ainsi, ne bouge pas...
Tu est un bon garçon, n'est-ce pas...
Bref, il était temps de me trouver un logement, donc j'me suis mis à chercher, mais qu'est-ce que c'est le bordel au
Japon ! Vous allez sans doute me demander pourquoi j'ai choisi le
Japon ? Pour retrouver mon père ? Nan, j'en ai rien à claquer, sérieux. Je voulais montrer que j'étais trop génial, et j'ai décidé de devenir prof d'anglais pour les petits japonais qui semblent vraiment mal se débrouiller, surtout au niveau de la prononciation. Je voulais leur apprendre ce qu'était l'anglais en VRAI, pas du baragouinage retranscrit en
katakana... Enfin, mes études anglaises étaient finies, mais il me fallait le diplôme japonais, évidemment. Les petits rigolos. J'ai donc étudié trois ans à
Tôkyô. Chambre d'étudiant, pas trop chère (enfin, c'est relatif, c'est
Tôkyô les mecs !), Il ne m'en avait pas fallu plus, que voulez-vous, j'suis trop fort. Une fois mon diplôme en poche, je n'ai rien trouvé comme métier, bien sûr. Ah la haine ! Un super diplôme écrit tout en japonais pour que dalle. Ou alors ils n'aiment pas ma gueule dans les bahuts ? Je crois que ce sont mes tifs. Ils ne sont pas noirs, alors ça ne va pas. Bref, du coup, un soir j'me suis beurré, et j'suis parti dans un
Host Club qui s'appelait
« Hell's Traditions » ; j'voulais surtout partir avec un bel hôte ou alors limite la patronne du bar. Pour finir, j'me suis battu avec un connard de Yakuza pour défendre la coqueluche des hôtes et j'ai décroché le job, comme ça. La patronne du club semblait me kiffer. Nul besoin de préciser que je n'avais pas besoin de vêtir des fringues classes. Mes fringues habituelles suffisaient amplement. J'ai vécu comme ça pendant trois ans, ça m'a permis de me payer un studio sympa et de ramener fréquemment des client
(e)s dans ma piaule pour continuer la nuit. Ouaip', t'as vu, j'avais du succès en plus. Seulement, un soir de forte affluence, pendant ma pause clope à la fenêtre, j'ai vu un drôle de type, les cheveux de couleur étrange, traits européens, rôder dans la ruelle où se situait l'entrée du club. 'Tain, si c'était un client, j'me le serais bien fait. Seulement, pas du tout. Le mec, en question, il extorquait
MES clients, ceux qui voulaient entrer pour
ME voir ! Merde,
MON fric, quoi ! J'étais bien décidé à lui casser sa gueule, j'suis descendu et de plus près il était encore mieux. Moi qui ne recevais que des vieux à cette période-là de l'année, j'étais sous le charme. Après des prises de bec, on a réussi à trouver un marché assez satisfaisant
(Bah ouais, personne ne pique mes arbres à fric) ; je vidais autant que possible les poches de mes clients pendant mon boulot et lui leur extorquait le reste à la sortie. En même temps, vu la taille de son cutter, ça a bien marché un moment. C'était un bon
deal je trouve, d'ailleurs j'le trouvais plutôt cool ce mec.
Américain, qu'il était. Anglophone comme moi, mais pas d'yeux bridés. Super canon. Il s'appelait
Kitten. J'aurais bien aimé l'entendre faire
« Miaou », d'ailleurs, ç'aurait pu être cool, non ? J'aurais bien aimé qu'il fasse ça dans ma piaule. Malgré son air bizarre, moi j'l'aimais bien, j'pourrais pas dire qu'on était sur la même longueur d'ondes mais bon.
Lèvres rouges, telles une rose
Et grands coups de fouet
Menottes dorées, chaînes étincellantes
Un bandeau noir autour des yeux...
Tout est si adorable sur toi.
Finalement, un jour, on s'est fait chopper pour complicité, j'me suis fait virer et on a été bannis du secteur entre autre. Et je ne l'ai plus revu.
Non, m'sieur, j'mens pas, je le jure sur votre tête ! De toute façon il était grand temps pour moi de me tirer de la capitale, j'en avais ras le bol de voir tous ces vieux me fixer d'un air mauvais à cause de mon métissage. Pas que ça me dérange de me faire dévisager sans arrêt, parce qu'il y en a qui faisaient leur effarouchés mais une fois au pieux, ça passait mieux, avec le sale
bâtard que je suis, hein ! J'ai joué à la roulette russe et c'est tombé sur Nagoya. Manque de bol pour vous, mes amours, vous n'avez pas de prof d'anglais. Super,
non ? »
« J'suis venu de Londres pour être prof, ici, okay ? Nan en fait j'savais strictement pas que j'allais venir ici, c'est une surprise pour vous comme pour moi ! »