Échappatoire au cimetière [ Pv Beloved ].

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Ce matin là, Emi s’était réveillée très en retard, bien que cela ne lui ressemblait pas. Le premier cours avait commencé depuis une vingtaine de minutes, et elle préférait ne pas y aller du tout ce matin. A peine un pied à terre, qu’elle se sentit retomber sur son lit. A côté d’elle, personne. Les lits de ses colocataires étaient pour certains faits, pour d’autres : pas.

Sans doute avait-elle de la fièvre, puisque sa tête tournait légèrement. Elle aurait voulu passer la matinée avec Yaël, mais elle avait pensé que l’entraîner à sécher les cours alors qu’elle-même ne se sentait pas bien n’était pas une bonne idée.

Il faisait déjà chaud, même à dix heures le matin. C’était en pantalon blanc et en tunique turquoise qu’elle avait quitté sa chambre, pour aller parcourir les différents endroits de la ville, de façon à s’y familiariser. Elle était passé par un petit parc, et arrivé à sa fin, Emi s’arrêta. Quelque chose retint son attention. Un cimetière des plus impressionnants se trouvait juste en face d’elle, et il n’y avait aucun sanctuaire dans les parages.

Normalement - comme sa sœur l’avait prévenue - il devait y avoir la tombe de quelqu’un qu’elle connaissait, ici. Regardant de droite à gauche en plissant un peu les yeux parce que la chaleur et son mal de tête n’allaient pas ensemble, Emi s’arrêta sur l’une des tombes. Elle se mit à genoux et effleura de la main le nom gravé dans cette pierre droite et longiligne.

- « Rihito Tsuji. ». Murmurait-elle à voix haute.

Rihito Tsuji était le cousin d’Emi. Sa mort datait des quatre ans d’Emi. Il avait cinq ans de plus et s’était fait adopter. Sa mère était devenue folle et son père était mort de maladie. On l’avait informé de son lien de parenté avec Emi. Juste après les quatre ans de cette vie qu’elle détestait, il décéda de maladie, condamné. Bien qu’elle ne le connaissait que très peu, cette personne était tout de même son cousin, et c’était la première fois qu’elle passait sur sa tombe. Les lettres du nom commençaient à se flouter, se confondre. La fièvre d’Emi se faisait plus forte, visiblement.

Soupirant longuement, elle fit une prière pour son cousin, et s’apprêtant à partir pour s’asseoir sur les énormes pierres jonchant le chemin qui liait le par cet le cimetière, elle s’arrêta net dans son élan. Il y avait quelqu’un juste à côté. Elle en vit juste assez pour distinguer ses yeux vairons et son handicap apparent. Emi se souvint vaguement avoir croisé une fille lui ressemblant parfaitement dans l’internat. Mais comment s’appelait-elle ? Un prénom pour le moins spécial qu’Emi n’avait pas retenu. C’était pour dire : un prénom qui n’était pas banal, lancé dans une conversation entre élèves dans un couloir pour le moins bruyant, c’était une tâche difficile pour Emi que de le retenir.

La jeune femme en face. Que faisait-elle ? Pourquoi était-elle ici ? Questions indiscrètes qu’Emi ne poserait pas, alors elle restait muette, le regard un peu troublé à cause de son mal de la fièvre.

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°Mais que fais-je donc là? Pourquoi suis-je ici? Je ne devrais pas être en cours? Et pourquoi cette pierre porte t-elle mon nom? - Tu es dans un cimetière, tu avais simplement envie de prendre l'air et tu t'es retrouvée ici, cette pierre est la tombe ou reposent tes parents.°

Il était sept heures du matin. Il faisait froid, et la brume blanche qui tapissait le sol était transpercée par une paire de béquilles et par deux mollets blancs, nus, tremblotants.
Le cimetière était vide et un lourd silence pesait. Pas un chat. Enfin si : un énorme chat noir était assit sur une tombe. Il sauta de son perchoir et atterrit sur les pavés dans un bruit sourd.
Beloved ne l'entendit pas. Elle ne l'avait même pas vu, en fait. Elle était comme captivée par la grande pierre tombale qui se dressait devant elle. Pierre tombale grise et sale ou l'on pouvait distinctement voir les mots "Ici reposent Ahrang et Lisa Maoyamate." ainsi que quelques roses blanches et rouges presque fanées.

Cela ne faisait pourtant que quelques mois que ses parents étaient morts, alors pourquoi la tombe était-elle si garnie de fleurs et de mots? Cette histoire de sacrifice avait donc vraiment fait le tour du Kansai?
En y repensant, cela faisait deux ans et deux mois. Il fallait compter les années de coma. Quoique... Peut-être qu'ils n'étaient pas morts sur le coup et avaient, eux aussi, sombré dans un profond sommeil avant de périr.

Appuyée sur ses béquilles, la jeune handicapée ne voyait pas le temps passer. Trois heures s'étaient si vite déroulées, et il était déjà dix heures du matin.
Aussi, elle ne sentait pas la douleur que lui infligeaient ses jambes malades, fatiguées de rester tendues. Elle était dans un autre monde, dans son monde.
Ses pupilles ne brillaient plus. La flamme de son œil ambre s'était éteinte tandis que les étoiles de son œil gris ne scintillaient plus. Peut-être était-ce du au choc de penser que le cadavre de ses propres parents gisaient dans un cercueil qui avait du déjà pourrir en grande partie.

- " Ridicule. Tout simplement ridicule. " chuchota-t-elle, écrasant avec la pointe de sa béquilles droite une rose rouge sang qui était malheureusement tombée de sa branche.

Beloved entendit quelques bruits de pas. A peine revenue à ses esprits que ses yeux vairons recommençaient déjà à briller de milles feux, comme à leur habitude.
Elle tourna la tête, apercevant une jeune fille qui devait avoir un an de plus qu'elle, ou dans les environs. Cette dernière la regardait également.

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Elle regardait cette tombe avec un air si vide, qu’Emi se demandait à qui pouvait bien être le, ou les, corps entrain de décomposer sous la terre. Enfin bon, c’était personnel.

Et puis, cette fille la regarda. De ce regard au différentes nuances, le prénom se posa. « Beloved ». Oui, c’était ce prénom que la fille portait. Sans doute elle ne connaissait pas l’identité de la blonde, mais qu’importe. Pour le moment, Emi s’en fichait.

Les fleurs rouge sur la tombe à côté, n’étaient plus « fanées », mais écrasées. Pourquoi tant de haine envers une pauvre fleur qui ne vous a rien fait ? Enfin bon, elle avait abrégé sa mort. Sur la tombe de son cousin, il n’y avait pas de fleurs. Aucun parent pour en déposer une seule, un enfant oublié en quelque sorte. Quelle famille horripilante et honteuse elle avait…

« Si j’étais advenue à mourir de ces blessures, à cette époque, personne n’aurait rien déposé pour moi non plus. On est deux, Rihito. »

Une légère brise se leva. Pendant quelques secondes, un bref instant, un moment léger où la blonde aux yeux d’émeraude sentit sa fièvre s’évanouir. Éphémère, et le mal revint. Luttant intérieurement pour tenir sur ses deux jambes, elle s’appuyait tout de même sur le regard de Beloved. Pourquoi une expression si dure sur le visage d’Emi ? Pourquoi autant d’indifférence et de mépris ? Était-ce son humeur massacrante du jour, ou était-ce son caractère distant et glacial ? Les deux se mélangeaient et formaient en elle une indifférence totale à ce qui l’entourait. Comme ce n’était pas son jour, elle ne préférait même pas parler à cette fille. Si c’était pour lui balancer une quelconque chose sur sa façon de la regarder, qui n’était pas vilaine en plus, elle préférait se taire, gardant un minimum de la fierté qu’elle avait toujours ; sa politesse avait pour le moment déserté, ainsi elle ne se présentait pas.

S’avançant légèrement vers la tombe que regardait Beloved, Emi se baissa sans regarder le nom inscrit sur la tombe de pierre, et ramassa la rose écrasée. Défraîchie, perdue de couleur, avide d’eau, morte. Comme elle faisait de l’arrangement floral, elle n’aimait pas que quelqu’un piétine des roses, mêmes si ce n’étaient pas ses fleurs préférée, qui par ailleurs étaient les orchidées.

Contraste accablant entre le blanc de ses longs doigts fins et la teinte rouge qui s’abandonnait à une triste couleur brune. Emi se releva lentement, ôta une à une les pétales restantes de la rose, mise à nue désormais. En son centre, l’infime partie jaunâtre s’était déjà éteinte.

- Toute chose morte mérite un minimum de… respect, Mlle Maoyamate… avait-elle dit d’un ton grave, avec une pinte d'ironie qu'elle ne se voulait pourtant pas.

Sur ces mots, Emi se retourna vers elle, la regardant sans trop d’importance. Pourquoi ce ton acerbe, pourquoi ce geste, pourquoi ce regard morne et cru alors qu'elle ne connaissait pas cette "Beloved".

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Beloved maintenu le regard. En aucun cas elle aurait détourné les yeux. Le vent soufflait légèrement, faisant virevolter ses longs cheveux qui revinrent à leur place, lui encadrant son doux visage d'adolescente. La douleur revenait vivement dans ses jambes, douleur qu'elle ne sentait pas auparavant. Elle souffrait, elle souffrait, mais... Elle aimait ça, souffrir. Elle avait souffert pendant la totalité de sa vie, et elle aimait sa vie! C'était son point de vue : "J'aime ma vie, donc j'aime souffrir.". Un de ces psychologues incompétent qui aurait encore osé dire "Votre fille est masochiste!" et après un simple examen "Votre fille est schizophrène!". Pff... Foutaises.

Et l'inconnue s'avança.

Continuant de maintenir le regard, la jeune handicapée, même souffrante, gardait un air neutre. Un air neutre et impénétrable. Un air qu'on aurait pu croire prétentieux, méchant, voire même psychopathe. Mais il était voulu par la porteuse de ce regard qu'il soit neutre et sans expression.

Et l'inconnue se baissa.

"J'ai gagné" se dit Beloved. Elle avait maintenu son regard, elle avait gagné le défi. Puis la blonde ramassa une fleur. Comment osait-elle? C'était la tombe des amants Maoyamate non? L'idée de savoir qu'on allait peut-être rejoindre cette tombe un jour donnait la nausée à la jeune fille. Elle écarquilla légèrement ses yeux, porta une main à sa bouche, et manqua de faire tombé sa béquille gauche. Un haut le cœur? C'était à peu près ça, oui.

Et l'inconnue se releva, un nouveau défi de regard?

- " Vous êtes idiote.
Cette fleur ne vit plus depuis longtemps.
Et puis... Comment connaissez vous mon nom? Il est vrai que 'Maoyamate' est écrit sur cette pierre tombale, mais elle n'apporte aucune preuve sur mon identité.
Et puis le respect... Quel respect? Ben voyons. "

Elle dit ces mots d'un ton encore plus neutre que le regard qu'elle portait à nouveau sur son interlocutrice. Ses yeux pétillaient : ils auraient pu frustrer un bon nombre de personnes.
Bien sûr que ses mots ne changeaient rien.
Bien sûr qu'ils n'auraient pu en aucun cas remballer l'autre pensionnaire.

Mais ce qui comptait était le regard. Ce regard qui signifiait clairement - et vulgairement - "Tu m'emmerdes.".

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Honte sur Emi ! Cause : visiblement, elle parlait en russe, aux yeux de la Beloved, qui n’avait su que répéter ce que la blonde avait dit, et pire ; elle ne voyait pas ce qu’était le respect dans la situation. Ô cette situation insoutenable qu’Emi détestait. Situation critiquable, dans laquelle la damoiselle à l’œil d’ambre avait outragé le nom d’Emi, en affirmant qu’elle était une idiote. Ou non. En se la représentant d’idiote, terme qui ne correspondait pas à la française, mais qu’importe, la brune jugeait sans connaître, ce qu’Emi regrettait fort bien… Le passage sur le comment tu connais mon nom, blabla, n’avait pas intéressé la fiévreuse, qui franchement n’en avait rien à cirer de ses suspicions et interrogations futiles - qu’elle trouvait -, alors elle n’en répondit pas le moindre mot.

Il y avait eu ce regard. Il avait un peu amusé Emi, d‘ailleurs. Une question suivie d’une réponse personnelle ? Bon. Elle n’aurait pas à répondre, dans ce cas. Mais cette façon dérisoire de dire « tu m’emmerde », par un regard. Il y avait les mots, aussi. Oh, ils étaient tellement nombreux ! Pourquoi ne lui disait-elle pas de sa bouche ce qu’elle pensait ? Pensait-elle qu’il était inutile de gaspiller paroles en les articulant à « l’Idiote » présumée ? Ha. C’en était un peu de trop, pourquoi consacrer paroles et consciences à une personne aussi désobligeante que la Maoyamate ? Mais ce n’était qu’une première impression, n’est-ce pas ?

Était-elle ce genre de personne à faible mentalité restée au stade : j’ai gagné, t’as lâché mon regard ? Haha. Sûrement. Enfin bon, elle, elle n’était pas de ce bord là, n’avait pas non plus une mentalité qui s’arrêtait à la cour primaire. S’il fallait, pour provoquer le bonheur de damoiselle affaisser son regard émeraude du jour, elle ne s’en priverait pas. C’était comme avec sa petite sœur Amalie, âgée d’un peu plus de dix ans, soit dit en passant.

- « Beloved Maoyamate », fille de ces… Elle s’arrêta un moment, parcouru la pierre tombale devant elle, puis regarda à nouveau la brune aux superbes cheveux, quoi qu’un peu banals… Sans doute personnes, ici présentes, continuait-elle en soupirant doucement. Je vous croyais juste assez raisonnée pour ouvrir la bouche, au lieu de faire passer un message à travers vos yeux si… Différents.

Plantant son regard dans celui de la fille - chose qui lui était devenue si banale qu’elle en oublierait le mal aise de la personne visée -, un regard perçant, car pourvu d’une douce amertume aussi glaciale qu‘amusée. Comme une moquerie noire. Méchante Emi, va. Mais elle aimait pourtant les yeux de Beloved. Assez sentimentale, Emi accordait une importance chimérique à des souvenirs passés superflus, et cette fille là possédait les mêmes yeux qu’une défunte personne qu’elle avait à son grand regret, aimé. L’ambre de son œil était juste un peu plus clair que celui de cette personne. Reprenant la parole, Emi changea du tout au tout de regard, lunatique soit-il.

- Oh, mais, arrêtez-moi si je me trompe ! J’en serai si désolée…. Lâchait-elle en baissant la voix.

Puis elle tourna les talons, s’asseyant en face de la pierre de son cousin, l’air morne. La première fois qu’elle passait ici en si longtemps. Regardait-il, de là-haut, de là-dessous, du paradis, de l’enfer ou de n’importe où, sa cousine s’affaiblir en regardant la tombe grisée et délaissée de son cousin resté à vie, prisonnier dans un corps de gamin de onze ans ?

Et elle tourna son regard vers les béquilles de Beloved. Qu’est-ce qui avait causé cela ? Oh, et puis non. Pensée arbitraire… Et puis elle sentait son mal de tête se débattre en elle. Comme si elle sentait les plus petites cellules de son corps se mouvoir. Sensation désagréable. Elle n’avait pas d’eau, et voyait trouble. Ayant une flemme incomparable à se lever, elle se privait de se désaltérer en buvant une boisson fraîche du distributeur situé à une cinquantaine de mètres.