En ce dimanche d'Août, le jour venait de tomber, dévoilant un ciel sombre et un temps pluvieux qui n'avait rien d'un été resplendissant au Japon, tombant finement sur la fière cité de Nagoya. La foule de piétons agglutinés en masse, s'éparpilla aussitôt dans les quartiers éclairés par les nombreuses enseignes lumineuses de la ville, mêlée au brouhaha d'une industrialisation automobile polluant l'espace urbain de son odeur acre de fumée, mélangée à du gasoil brulé. Par-ci et là, des couples se tenaient main dans la main, s'empressant d'un pas précipité pour éviter la trempette, ainsi que de vieilles dames solitaires au regard presque sénile, leur sac d'emplettes en main qu'elle trainaient à bout de bras. Au coin de la rue, un musicien du trottoir venait égayer la venue des passants de sa mélodie, malgré la pluie, mais attirait pourtant les plus curieux d'entre eux qui déposèrent quelques yens dans sa conserve. Quelques jeunes marchaient également en bandes organisées, d'autres appuyés contre les murs des bâtisses aux allures de punks et d'émos. Dans les recoins les plus chauds de la ville, des junky s'échangeaient de la drogue, bectant au passage une ou deux cigarettes qui ne laissaient qu'un panache de fumée grisâtre s'envoler dans les airs, sous la bataille de chats et de chiens errants. Bref, les êtres de la nuit vaguaient à leurs occupations quotidiennes, quoi qu'ils fassent de leurs vies, comme un cycle se répétant sans cesse de jour en jour.
Un homme de taille normale vêtu d'un imperméable noir, mains dans les poches, marchait lentement dans la rue, dissimulé sous une capuche protectrice. La brume de l'humidité empêcha de voir ses yeux, mais l'on pouvait distinguer un visage ferme, sans aucune autre expression qui le parcourra. Il ne s'attarda pas sur les boutiques et les vitrines alléchantes dont les promontoires se blindaient d'offres, préférant continuer son bout de chemin sans s'arrêter. Petit à petit, la pluie gagna en intensité, déversant cette fois des torrents d'eau sur le bitume qui décourageaient les moins audacieux, comparé à cet homme qui ne montra aucun signe de panique et d'empressement pour le moment. Mais les minutes passèrent et le temps ne cessant jamais de se dégrader, la recherche d'un refuge se fut vite sentir. Arrivé au bout d'un carrefour bouchonné par la circulation prise au piège de la tempête, cette personne dont il était question, s'arrêta devant un bâtiment, dont les vitres mouillées par des cascades d'eau, dévoilaient l'intérieur lumineux et chaleureux d'un bar à grande fréquentation. Ni plus ni moins, il ne s'attarda pas plus au dehors puis poussa la porte d'un grincement strident, pénétrant enfin à l'intérieur.
Zack, pourtant au sec mais dont le manteau trempé déversait quelques gouttelettes au sol, poussa un bref soupir de soulagement puis retira sa capuche et sa tenue pour la placer soigneusement sur un porte-manteau destiné à la clientèle du bar. La première chose qui retenu son attention était le pianiste des lieux qui jouait la composition "Étude N° 3 Opus 10" de Chopin. Très gai pour un soir pareil, et de quoi avoir des envies de suicide. Bien du monde se présentait. Pas mal de gens de catégories différentes y étaient décrits rien qu'à la lecture de leurs visages, passant des normaux, aux dépressifs et aux alcooliques s'adonnant à leur breuvage régulier, malgré certaines tables vides qui se manifestaient dans le fond de la pièce. Au comptoir, un barman servait les gens présentement accoudés à la table. Heureusement, il restait un tabouret de libre, et Zack vint s'y asseoir sans hésitation. Confortablement installé, le jeune homme se mettait à observer discrètement les alentours, et à regarder plus particulièrement vers les fenêtres dégoulinantes d'eau de pluie ou les gens du monde extérieur se mettaient à courir avec leurs parapluies, et d'autres à entrer dans ce bar uniquement pour s'abriter. Au vu de la situation, c'est à se demander s'il n'aurait pas préféré prendre la voiture. L'ambiance de la salle lui faisait vaguement penser au "New Dawn", le bar américain dont il avait pris l'habitude de fréquenter toutes les semaines avec quelque-uns de ses amis, mais bon... il faut bien parfois découvrir de nouveaux endroits, non ? satisfaire son avidité de curiosité, faire des folies... et rencontrer du monde. Mais... en y repensant, pourquoi a t-il été attiré par ce bar ? pour boire ou simplement pour s'abriter à cet instant ? un peu des deux en vérité, peut-être aussi pour oublier certaines choses de la vie sans pour autant se noyer dans l'ivresse. Et puis, ça ne pouvait que lui changer les idées, depuis le jour ou il avait rencontré cette fille, mais qu'il avait perdu de vue et qu'il ne reverrais probablement plus jamais... mais peu importe, l'essentiel pour lui était de ne plus se focaliser sur les souvenirs du passé, et de s'amuser comme bon lui semble. Il jeta un coup d'oeil rapide sur les aiguilles de sa montre qui lui indiquait "23h12" puis se re-concentra sur le barman une nouvelle fois, attendant d'avoir enfin sa demande.