HistoireParis, capital d’un pays perdu en Europe ; la France. Un bâtiment immense, où grouille le monde comme une fourmilière. Des sirènes, des cris. Un hôpital. C’est ici, comme vous vous doutez, que commence la vie de la petite Raphaëlle.
Ce prénom, d’ailleurs. Un prénom français, comme sa mère. Son père, qui tient le petit bambin dans ses bras comme s’il s’agissait d’une porcelaine ultra-fragile, est clairement asiatique. Ses cheveux d’un noir brillant, ses yeux en amende, sa peau légèrement différente du type caucasien… Rien ne manque. Et la petite chose qui s’égosille en agitant de minuscules poings, c’est Raphaëlle. Elle vient juste de naitre, en cette douce matinée d’Hiver. Aucun grand frère pour l’accueillir dans la petite famille, ni même de sœur. Son oncle, par contre, attend impatiemment dans le couloir d’avoir des nouvelles. Lorsque son frère l’invite à entrer, il lâche sa femme qui, le ventre arrondi, attend un heureux évènement : le ou la cousine de Raphaëlle. Ils entrent dans la chambre, félicite la jeune maman. La famille est heureuse, euphorique, brulant d’une chaleur étonnante en Hiver.
* * *
- Raphaëlle, n’oublie pas ton parapluie, il va surement pleuvoir !
- Oui oui, maman !
- N’oublie pas mon bisou !
- Mais maman, je suis en retard.
- Je peux t’emmener si tu veux ? Il faut que je te parles de quelques chose, en plus.
- Non, je préfère y aller avec Alix. A ce soir maman !
La petite fille écrase précipitamment un bisou mouillé sur la joue de sa mère puis part en courant, son sac d’écolière sur les épaules. Elle est toute petite pour son âge, on pourrait presque croire qu’elle est encore en maternelle.
Ses jambes galopent dans la rue pendant une dizaine de minutes, puis elle s’arrête devant une maison qu’elle connait parfaitement. Une gamine l’attend, l’air sérieux. Ses cheveux blonds sont devant son visage, mais on voit bien que celui-ci s’éclaire quand elle aperçoit la petite brune. Elles s’échangent une bise puis se mettent en route en piaillant gaiement. Comme d’habitude. Et comme d’habitude, Alix reprochait à sa cousine d’être en retard. Et comme d’habitude, Raphaëlle répondait en riant. Leur duo était bien rodé, elles s’entendaient à merveilles.
Et cela continuait dans la cour de l’école. Après avoir marchait sur un peu moins d’un kilomètres, les deux gamines arrivaient. Pas en retard, la blonde avait forcé la brune à accélérer. A peine étaient-elle arrivait, que leurs camarades de classe se jetait sur Raphaëlle en riant. Alix, elle était un peu en retrait, plus timide que sa cousine. La journée passa tranquillement, parsemée d’éclat de rire. Stimulée l’une par l’autre, les deux filles de la famille Blanc avait encore fait les quatre-cent coups, faisant allégrement tourné en bourrique leur maitresse de CE2. Toutes deux étaient connues pour être un couple inséparable, et c’était vrai. Raphaëlle adorait tout simplement sa cousine, et c’était d’ailleurs pour vaincre la timidité d’Alix que l’autre agissait comme une fillette sûre d’elle et courageuse. Pour en revenir à notre affaire, la journée passa… Comme d’habitude.
Une fois de retour à la maison, après avoir laissé Alix devant chez elle, Raphaëlle posa son petit sac et attendit que sa mère rentre du travail dans le salon. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrait la jeune femme, assise dans le canapé. Elle ne rentrait à l’accoutumé jamais avant sa fille, mais cette dernière était trop heureuse de pouvoir profiter d’elle plus longtemps pour s’en inquiéter. Après avoir échangé un adorable câlin dont seul les petits enfants ont le secret, sa mère commença à parler :
- Ma chérie… Tu sais que ton père a travaillé vraiment très dur ces dernières années pour la société ?
- Oui maman, même que c’est pour qu’il rentre tard !
- Oui… Tu te souviens de Paris ?
- Pas trop…
- C’est vrai, on a déménagé quand tu étais toute petite… Mais tu sais, tu n’étais pas triste.
- Bah oui, à la campagne je peux voir Alix tous les jours, je peux pas être triste !
- Je suis désolée ma chérie… Papa, toi et moi, on va devoir partir…
- Quand ça ?
- Dans un mois.
- Comme si partait en vacances ?
- Non… On ne reviendra pas ici, ma chérie. On va dans un autre pays, très, très loin.
Raphaëlle ne s’était pas rendu compte, à ce moment-là, qu’elle allait être vraiment très, très triste. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle allait dire au revoir à sa maison, à sa ville, à son pays, à sa langue. Ni à Alix. Elle n’avait tout simplement pas compris. Elle ne se mit à pleurer que lorsque, dans l’avion, elle s’était retrouvée au-dessus des nuages.
* * *
Une jeune fille aux cheveux bruns se tient devant la classe, tête baissée, le rouge aux joues. A côté d’elle, une ronde professeure à l’air enjouée. En face d’elle, une assemblée de visage encore enfantin, les yeux rivées sur l’inconnue. Chacun murmure, chipote, marmonne et s’interroge. Qui est cette fille ? La professeure prend la parole :
- Voici Raphaëlle Blanc, elle vient d’être transférée dans notre collège. Soyez gentil avec elle, elle n’est pas encore bien habituée à notre pays.
Tout le monde se met à parler en même temps, alors que la jeune française est de plus en plus mal à l’aise. L’adulte calme la cohue et intime à tout le monde de se taire. C’est dans le silence que Raphaëlle s’installe à une place, vers le fond. Elle sent le regard de plusieurs personnes sur elle, mais ne dis rien. De toute façon, a-t-elle le choix ?
Le cours se passe lentement, puis, à l’heure de la pause, sa voisine de table vient vers elle en lui souriant. Elle s’assoit en face et engage la conversation :
- Salut, je suis Asumi !
- En…chantée…
- Oh… Ton accent est trop mignon ! Tu viens d’où ? Pourquoi t’es là ?
- Tu pourrais parler un peu moins vite ? Je ne comprends pas… Tout.
- Pourquoi tu as été transférée ? demanda la jeune fille en articulant lentement.
- La société de mon père a fusionnée avec une société japonaise, alors je suis venu au Japon… Puis on a encore déménagé pour rejoindre Tokyo.
- Alors ton père est un grand patron ?
- O-Oui.
- Et d’où tu viens ?
- De France…
- Sérieux ? Hé, tout le monde ! Ecoutez-moi ! Elle est française !!
Tout le monde afflua vers Raphaëlle, lui posant mille question sur son pays d’origine. Elle leur expliqua que si elle ressemblait, mis à part ses yeux, à une japonaise, c’était parce que son père l’était. Pendant de longues minutes, on l’interrogea sur tout, et elle répondit à chaque fois dans un japonais encore un peu maladroit.
* * *
Ces années de primaire passèrent doucement, sans accro. Tout comme celle de collège, où la jeune française s’était toujours trouvé dans la même classe d’Asumi. On ne pouvait pas vraiment dire que leur relation ressemblait vraiment à celle de deux meilleures amies. La japonaise pure souche était une jeune fille sûre d’elle et autoritaire, alors Raphaëlle s’était adaptée. Douce et réfléchie, elle se tenait dans l’ombre de son amie, se contentant de la soutenir et de lui apporter un peu plus de confiance. Sans être les idoles de leur promotion, toutes les deux étaient populaires et appréciée de tous. Et, toutes deux étaient sortis avec des garçons, à plusieurs reprises. Rien de bien sérieux cependant. Raphaëlle n’était jamais tombé réellement amoureuse, en fait. Mais cela allait bien changer un jour, non ? Le lycée n’était-il pas fait pour ça ?
C’est ce à quoi réfléchissait la jeune brune lorsqu’Asumi surgit derrière elle. Celle-ci était une vraie pile électrique, comme à son habitude. Elle se jeta sur son amie pour s’amuser à tirer sur la peau de ses joues, comme à son habitude. L’autre ria en se dégageant, mais devint un peu morose, ce qui n’échappa pas à l’œil expert de sa compagne.
- Eh bah Raph, qu’est-ce t’as ?
- Tu sais, on sera pas dans la même classe l’année prochaine.
- Mais non, faut pas avoir l’air si négative ! Le lycée c’est grand, mais on a quand même des chances d’être ensemble !
- Mais…
- Et puis au pire, on se verra quand même au pause, et puis on mangera ensemble ! Ca changera pas grand-chose tu sais.
- Ce que je veux dire, Asumi-chan, c’est que je n’irais pas dans le lycée qu’on avait prévu.
- Hein ?
- Mes parents veulent que j’aille dans un pensionnat privé…
- C’est vrai ? Mais, pourquoi tu me l’as pas dit ?
- Il me l’ont dit hier…
- Ça craint…
- Je sais…
- Et tu sais le nom ?
- Ouais, Shimizu. Tu en as entendu parler ?
- Oui ! C’est un peu spécial là-bas, à ce qu’on m’a dit. Y’a même pas d’uniforme ! T’as de la chance…
- Oui, peut-être…
Leur relation s’arrêta peu de temps après ça, sans que ni l’une ni l’autre n’aient de véritables regrets. Et puis, la vie continuait.
* * *
Plus d’un an après leur conversation, Raphaëlle est en 2ème année au Lycée Shimizu. Fille tranquille, elle reste dans l’ombre pour l’instant. C’est ici que se trouvait la meilleure place, quand elle est arrivée. Pourtant, elle est heureuse et ne cherche pas à se démarquer. Et puis, le retour de sa cousine Alix, fraichement rapatriée au Japon, à l’image de sa cousine il y a une dizaine d’année, la ravie tout particulièrement.