Levon D. Kuroda [100 %]

Physique

L’extravagance ? Pff, sans façon !
Sa tenue vestimentaire se résume à une chemise et un jean. Ni plus ni moins. Avec la plupart du temps une cravate, pour faire « homme d’affaire ». Parce qu’il déteste tout ce qui sort de l’ordinaire, quand il s’agit de vêtements. Le paraître pour lui est extrêmement important, car c’est la première chose que les autres peuvent voir. Et ce que pensent les autres de lui compte beaucoup à ses yeux. Rien ne lui fait plus plaisir qu’un compliment sur sa tenue, son physique, son attitude. Alors pour cela, il ne laisse aucun détail lui échapper, quite à passer une heure dans la salle de bain chaque matin. Pourquoi s’amuser à s’habiller de façon extravagante, si c’est pour recevoir des remarques désobligeantes ? Ne jamais tenter le diable. Celui-ci se manifeste bien assez tôt, pas la peine en plus de le provoquer.

Touché, coulé…
Malgré ses infinies précautions à se fondre dans la masse, Levon a, comme tout le monde, quelques particularités physiques. A commencer par ses yeux. D’un marron tellement clair qu’à la lumière du jour, on aurait presque l’impression qu’ils sont jaunes. Comme ceux d’un chat. Mais évidemment, ceci reste une impression. Juste le temps de cligner des yeux et l’effet a disparu. Le jeune homme possède également une cicatrice le long de l’avant-bras gauche, seul vestige du passé. Celle-ci est toujours soigneusement dissimulée derrière une manche de chemise que Levon ne retrousse jamais, car il déteste poser les yeux dessus. Il avait déjà tenté le diable, cette marque était là pour le lui rappeler.

Caractère

Se fondre dans la masse. Ne rien montrer qui puisse prouver que tu es différent. Corps enfermé, esprit en liberté. Une devise qu’il se fait un devoir de respecter, quelles que soient les situations. Dans la plupart des cas, cette phrase pourrait suffire à résumer son comportement. Mais une fois que vous avez réussi à dépasser cette coquille et pénétrer son esprit, une toute autre personnalité se révèle, comme si vous veniez d’ouvrir la porte d’une pièce en parfaite contradiction avec le reste de la maison. Parce que Levon, c’est justement la Contradiction dans toute son ampleur.

La plupart du temps, le jeune garçon sera d’une sociabilité irréprochable. Politesse, compliments, et tout ce qui suit. Il n’hésitera pas à dire franchement ce qu’il pense de vous quand cela reste du domaine du paraître : jamais il ne se permettra une réflexion sur votre façon de penser, mais s’il juge votre comportement déplacé, il n’hésitera pas à vous le faire savoir. Mais ça s’arrêtera là. Jamais il ne vous fera part de ses pensées, ses convictions et autres états d’âme, tant que vous n’aurez pas trouvé la faille de sa carapace. Certains le jugent d’ailleurs trop dur avec lui-même, mais cela lui importe peu.

Pourquoi toutes ces précautions ? Parce que le jeune garçon a horreur de laisser transparaître ses sentiments, même si ceux-ci se bousculent dans sa tête. Parce que même s’il ne le montre pas et refuse de l’admettre, ce sont ces sentiments qui guident chacun de ses faits et gestes. Parce qu’au fond, Levon est un grand sentimental qui refuse de se laisser submerger par ceux-ci.

Levon, il peut être à la fois très terre-à-terre ou complètement dans les nuages, à la fois je-m’en-foutiste ou absorbé par ce que vous lui racontez, à la fois distant ou terriblement proche. Il se laisse balloter par les évènements de la vie sans pour autant y accorder une grande importance, jugeant que le passé devait de toute façon arriver et qu’il vaut mieux se concentrer sur le présent. Mais le jeune garçon sait aussi s’amuser d’un rien, pour peu qu’on lui en donne l’occasion. Il n’est pas toujours conscient des contradictions dont il fait preuve, ce qui lui a valu quelques situations grotesques, mais cela ne le dérange pas.

Parce que la faille, c’est simplement son regard. Un regard qui trahit chacune de ses émotions, malgré tous ses efforts en la matière. Et qu’au fond, il sait très bien que ses sentiments finissent toujours par prendre le dessus.

HISTOIRE


Nagoya, été 2000.

Assis sur sa toute nouvelle balançoire offerte par sa famille pour ses six ans, Levon contemplait le ciel. Celui-ci l’avait toujours intrigué : était-il réellement bleu ? Et les nuages, pourquoi est-ce qu’ils ne tombaient pas ? Est-ce qu’on pouvait marcher dessus ? Tournant sa tête légèrement vers la droite, il en remarqua un qui avait la forme d’une girafe. Est-ce que c’était comme de la pâte à modeler, est-ce qu’on pouvait les manipuler et en faire de jolies choses ? Il observa un oiseau s’envoler du toit de sa maison et disparaître un peu plus loin. Jusqu’où pouvaient-ils s’élever, grâce à leurs ailes ? Le jeune garçon aurait aimé être un oiseau. Pouvoir voyager où bon lui semble, sans aucune contrainte d’aucune sorte. Pouvoir suivre son papa dans chacun de ses déplacements. Toucher un bout de ce ciel bleu et lui rapporter un morceau de nuage.


Nagoya, avril 2005.

Slalomant entre les sacs entassés dans le couloir, le jeune garçon rejoignit sa mère dans la cuisine. Celle-ci était désormais complètement vide, mis à part le mobilier qui resterait là, comme la plupart du mobilier du reste de la maison. Dans quelques heures, ils s’envoleraient définitivement pour les Etats-Unis.

-M’man, j’ai retrouvé ça dans la chambre ! J’peux le prendre avec, dis ?

Il brandit un canif que son père lui avait envoyé en souvenir de son séjour dans un des innombrables pays où il avait résidé. Pour la première fois depuis des années, ils allaient enfin vivre ensemble, et Levon avait hâte de pouvoir enfin passer du temps avec lui. Sa mère jeta un œil sur l’objet toujours brandit devant lui et fit la moue.

-Tu ne peux pas emmener ça dans l’avion, Lev. Laisse-le avec les affaires à déposer chez ta tante.

-Mais c’est un cadeau de papa !

-Papa a toujours eu des goûts douteux pour les cadeaux. Et puis, il ne t’en voudra pas de le laisser ici.

Le garçon baissa le bras, déçu, et contempla un instant l’objet avant de retrouver rapidement le sourire. Il avait hâte de quitter le pays, hâte de commencer sa nouvelle vie, quel que soit le nombre de concessions qu’il avait dû faire pour cela. La seule chose qui lui importait, c’était ce sentiment qu’une fois avec son père, plus rien ne pourrait entacher son bonheur.


New-York, octobre 2007.

Qui aurait pensé que ce serait aussi difficile ? Pas lui, en tout cas. Et ses parents non plus apparemment, puisqu’ils ne savaient plus trop quoi faire. Ce n’était pourtant pas de sa faute, lui, tout ce qu’il voulait, c’était vivre entouré des gens qu’il aime. Mais c’était sans compter son mal du pays. Il n’arrivait pas à s’habituer au climat, à la différence de culture, à des détails qui pourraient paraître insignifiants mais qui pour lui prennent des proportions énormes. Même à l’école, il ne se sentait toujours pas à sa place, malgré les deux années qui venaient de s’écouler. Ce n’était pas à cause de la langue, puisqu’il avait suivi des cours intensifs d’anglais avant le grand départ.

Au début, ses parents le rassuraient en lui disant que c’était normal, que c’était le blues d’avoir tout quitté pour un lieu inconnu, que ça passerait avec le temps. Le temps était passé, le mal était resté. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir fait des efforts, mais c’est comme si ce pays ne voulait pas de lui. Comme s’il avait appuyé sur « rejet automatique ».


Nagoya, février 2010.

Finalement, ils avaient fini par trouver une solution. Ou plutôt, ses parents avaient fini par ne plus supporter de le voir dans cet état, et comme il était hors de question qu’ils retournent au Japon, ils l’avaient envoyé chez sa tante. Seul.

Evidemment, Levon supporta mal la séparation. Il était heureux d’être de retour dans ce pays qui, comparé à l’Amérique, avait l’air du paradis. Mais il avait un poids énorme sur le cœur, l’impression qu’on refusait de le laisser s’approcher de son père. Et en plus, désormais, on lui enlevait sa mère, et tout cela par sa faute. Alors que tout ce qu’il demandait, c’était une vie de famille.

Evidemment, ses parents lui avaient promis de faire le voyage régulièrement pour venir le voir, en lui assurant que c’était pour son bien. Puis sa tante décida de l’inscrire dans un internat, où il pourrait se faire de nouveaux amis et serait une sorte de refuge en attendant les vacances, et donc ses parents. C’est ainsi qu’il entra au lycée Shimizu où il étudie désormais.